L'éruption de 1902
"La grande promenade recommandée aux voyageurs était le Mont Pelée, d'où la vue féerique embrassait toute l'île, et où un lac frais remplissait le volcan... En 79, à Pompéi aussi, le cratère éteint du Vésuve, entouré de plantations et de maisons de plaisance, ne laissait pas supposer la catastrophe"
(Note d'un voyageur. Le Pélerin 20 mai 1902)
Saint-Pierre à la veille de l'éruption
De l'ère du sucre à celle du rhum
Une vie politique et sociale mouvementée
Si l'oligarchie békée a réussie à maintenir son pouvoir économique après l'abolition de l'esclavage, il n'en va pas de même au niveau politique. Depuis 1871, l'école laïque et surtout le droit de vote étendu à la population de couleur ont profondement modifié le paysage local. Des tensions de plus en plus marquées se font jour entre les nouveaux électeurs acquis à la République, et les békés nostalgiques de la période esclavagiste. L'atmosphère est d'autant plus lourde, que le parti républicain lui même s'entre-déchire au gré de querelles de personnes. Bientôt, la municipalité de Saint-Pierre devient un bateau ivre incapable de la moindre décision, où l'on ne siège que pour mieux s'enrichir frauduleusement.
Les derniers jours de Saint-Pierre
Le reveil du volcan
Un danger sous-estimé et des élections toutes proches
8 mai 1902, récit d'une catastrophe
Du 5 au 7 mai l'activité volcanique s'intensifie et la population prend peur
Le 6 mai les nuages se font plus denses. Une épaisse couche de cendre recouvre la ville et s'insinue dans les habitations. Dans les rues, c'est le silence, la cendre étouffe le bruit des pas sur les pavés. Au loin, les grondements du volcan deviennent assourdissants. Des coulées de boue continuent à dévaler sporadiquement les pentes du Mont-Pelé, tandis que les premières nuées ardentes sont observées du côté du bourg du Prêcheur au nord de Saint-Pierre. La population de la ville déjà inquiette depuis les évènements du 5 mai et la destruction de l'usine Guérin est gagnée par l'affolement. Le 7 mai dans l'après-midi, le maire téléphone au Gouverneur pour lui demander l'envoi d'un détachement destiné à maintenir l'ordre. Heureusement, sa demande n'est pas écoutée. A quatre heures, c'est le Gouverneur lui-même accompagné de sa femme et de quelques hauts fonctionnaires, qui rentre dans Saint-Pierre pour rassurer la population. Le communiqué rassurant publié par la commission scientifique le soir du 7 mai l'aide en ce sens. (Voir le communiqué) Les journaux sont de la parti. A la veille du drame, l'Opinion n'hésite pas à titrer : "Prêchotins, mes amis, dormez tranquilles!" La tension retombe un peu, mais n'empêche pas de nombreux fidèles de s'assembler dans les églises pour prier toute la nuit.
Le 8 mai à 7H50 du matin, Saint-Pierre et le Prêcheur sont rayés de la carte
Le 8 mai, c'est la catastrophe. Le bouchon de lave qui obstrue le cratère a résisté à la pression des gaz qui font alors éclater la partie la plus fragile du Mont Pelée. Des nuages de gaz chargés de cendres et de souffres, chauffés à 1000°, dévalent sur la ville à plus de 200 km/h. Un peu avant 8 heures du matin, la nuée ardente frappe Saint-Pierre. La pression des gaz, projetés à haute vitesse, renverse tout sur son passage. En quelques secondes toute trace de vie disparaît. Maisons et monuments sont soufflés. De solides murs de pierre, larges d'un métre, s'effondrent. 30 000 personnes meurent instantanément, démantibulées, asphixiées sur place par la violence du choc. La chaleur provoque l'explosion de milliers de barriques de rhum entassées dans les multiples entrepôts et usines de la ville. Les explosions se succèdent, encore longtemps après le passage de la nuée. Des flots de liquide enflammé s'écoulent dans les rues, achevant de calciner les corps. L'onde de choc atteint la mer. Un raz de marée de 3 métres s'abat sur les navires au mouillage, en même temps que le nuage de gaz. Chavirés ou incendiés, une vingtaine de bateaux coulent. La ville et les allentours sont rasés. De petits morceaux de roche arrachés au volcan sont projetés jusqu'à Fort-de-France. Un linceul de cendres chaudes recouvre toute l'île de la Martinique. Le "Petit Paris des Antilles" a cessé d'exister.
Un seul survivant : Cyparis
Purgeant une peine d'un mois en prison, Cylparis échappa à l'éruption grace à l'épaisseur des mûrs et la forme de son cachot. Il n'échappa cependant pas à de multiples brulures.